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Carnet de vadrouilleurs
12 décembre 2004

Avortement de "la crique des pères"

Ces derniers temps, les semaines étaient plutôt difficiles, entre les réunions, les conseils de classes, le top chrono pour la restauration des peintures, etc... vlà un week-end bien mérité ! Ce n'est pas que les autres fois on ne le mérite pas, mais là, on est vraiment saturé!! Sans parler du taux de chlorophylle dans nos sang qui a atteint un niveau très critique !

Samedi matin : la question des week-ends est souvent le « où aller ? »  !! Il y a tellement à faire ici !! Une fois de plus, la hâte nous a mené sur le fleuve Kourou : objectif : faire le moins de voiture possible et se retrouver au milieu du vert à flairer le fleuve au plus vite… mhhh… vous savez, cette odeur d’évaporation blanchâtre indescriptible qui s’émane du goudron noir brûlé par le soleil et  rafraîchi par de grosses gouttes de pluie qui commencent par tomber une à une avant de se transformer en seau d’eau… ça se rapproche de ça l’odeur du fleuve… cette odeur même mixée à une enivrante odeur de forêt… mhhhh…

Pour changer de nos petites habitudes, nous décidâmes d’aller à la "crique des pères", une ramification du fleuve Kourou. Car en effet, oui, le fleuve Kourou a beaucoup d'embranchements, ce qui le rend entre autres toujours attirant. Ca faisait un moment que nous n'y sommes pas allés. Le "chemin d'eau" qui y mène est long, il faut faire pas mal de pirogue, mais le lieu est beau ! Le rempart de forêt est large de part et d’autre. Le fleuve est donc assez dégagé,  mais le plus marquant, c’est sa couleur saumon, très clair, presque laiteuse… le tout donne une sensation d’assurance et de confiance. On est là, l’eau nous appelle pour un bain jovial, on est tout simplement bien et on ne pense même plus aux bébêtes louches et chatouilleuses qu’il pourrait avoir… De plus, aucun carbet (case en bois) n'y est implanté !! Calme et solitude garantie au fin fond de la nature !

Au PK17 de la petite route de bitume un peu cahoteuse qui pénètre dans la jungle, un bout de forêt qui s'arrête dans le fleuve a été rasé pour servir de dégrad : c'est là qu'il faut mouiller l'embarcation. La piste rouge est sèche et poussiéreuse, et des sillons tracés par la pluie et par le temps se sont creusés. Il n'y a que quelques mètres pour atteindre le fleuve de la route goudronnée, mais il faut conduire très prudemment. De tant plus que les week-end, c'est un peu la cohue au dégrad. Les grosses voitures défilent à la queue-leu-leu avec leur remorque. On rit toujours de ceux qui avec leur 4/4 tout propret patinent et ont du mal à mettre à l’eau leur coque alu au gros moteur. Avec notre petite 106 un peu pourrie, notre petite pirogue en « plastique », on les nargue en deux trois mouvements !! Une fois à l’eau, nous oublions vite cette dernière agitation au bout de la route. La ballade peut alors commencer.

On s’enfonce, bercés par le ronronnement de notre mini moteur, et ivres des caresses folles de l’air environnant. Au niveau de croisements, il faut vérifier de temps à autre « le chemin » à prendre sur une carte précieusement gardée dans une touque (bidon range-tout en plastique). Au bout d’une bonne heure de pirogue, manque de chance, on tombe en panne d’essence et notre bouteille de réserve est déjà bien entamée. Il serait fou, inconscient et irresponsable de continuer plus loin. Modification donc du plan de départ : on décide de s’accrocher à un arbre et de se poser là, au milieu de nulle part et loin du monde. On ne verra pas les eaux saumons de la « crique des pères », mais on profitera à merveille du coin. Moteur éteint. Nous voilà cette fois vraiment seuls, avec les doux chuchotements de dame nature. Baignade. On plonge et remonte de la pirogue. Il faut être très vigilent à cause du courant. Notre système débrouille pour une baignade cool, c’est une longue corde bien attachée à la pirogue et sur laquelle on se hisse et on reste bien accrochés. Après avoir bien fait les fous, on déjeune, toujours sur la pirogue. Une banquette nous sert de table, et de part et d’autre, en tête à tête, seuls dans la nature, balancés par le courant, le tableau est romantique. Dommage qu’on avait oublié les bougies, hihi ! Après une petite sieste (toujours dans notre pirogue « sert tout »), une nouvelle partie de baignade, un semblant de pêche, et la journée s’achève doucement, à nouveau dans le ronronnement du moteur direction le dégrad avec les dernières gouttes d’essence.

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10 décembre 2004

Et cette restauration, me demande-t-on ?!!

Pffffffft ! Une vraie torture ce chemin de croix !! Un boulot atroce ! Intéressant mais alors… quelle souffrance !!

Les tableaux sont « minuscules » à côté de mes habituelles toiles de plus d’1m / 1m sur lesquelles je laisse complètement exploser  mon énergie créatrice ! En plus de l’exiguïté de la surface picturale, le style  est plutôt très réaliste, léché, lisse, pas vraiment mon genre, mais bon… Il faut repasser derrière l’artiste, retrouver exactement ses couleurs et sa touche, suivre trait pour trait chaque forme, essayer de se mettre à sa place et respecter à 100% son travail et son point de vue. Techniquement, c’est enrichissant et ça me fait faire un bon exercice (sauf qu’il ne s’agit pas d’entraînements…) !! 

Le plus dur, disons, c’est qu’au delà de toutes ces particularités qu’on attend d’un « restaurateur de tableaux », il y a tout un travail sur soi à faire, ne pas se laisser emporter, se contrôler sur tous les plans, multiplier à l’infini sa patience, rejeter toutes ses idées et ses manières personnelles de faire, faire abstraction aux défauts et accepter malgré soi de les reproduire… Bref, il faut s’oublier complètement et, en quelque sorte tuer l’artiste en moi le temps d’une restauration !! Ce qui est très très difficile pour moi qui ai constamment besoin de spontanéité, de liberté et d’expression !!! 

L’envie de se surpasser est fort, tant psychologiquement que techniquement, et pour ça, l’expérience vaut vraiment le coup !! Je bosse dessus tous les jours. Mais j’avoue que j’ai vraiment hâte d’en finir… et 14 tableaux, ce n’est pas rien !! 

8 décembre 2004

Serions-nous drogués ?

Ces derniers temps, les héros du blog petit à petit ont un peu mis de côté leur chère jungle. De temps en temps, on doit oublier son côté sauvageon, et se plier aux obligations ennuyeuses du monde civilisé. De temps en temps aussi, on se fait plaisir à vivre pleinement et profiter de ce monde dans lequel on vit, n'est-ce pas ??

Ces derniers week-ends se sont déroulés pour nous sans vert. Au programme, culture et société. Vernissages par-ci par-là, concerts, on invite à bouffer ou on se fait inviter, soirées cacahuètes / dvd, auto-tamponneuses de la fête de Kourou, etc... De quoi se distraire, quoi !! On en a profité pour mettre le moteur de notre tite pirogue à réviser.

Aujourd'hui, on dirait que le sang coule moins fluide dans nos chairs. On est en manque de chlorophylle. On a beau marcher tous les jours à la plage, respirer la forêt omniprésente, mais la jungle et ses criques, sombres et mystérieuses, celles-là même qui nous enivrent et nous ramènent à notre état pur, proches de ceux de nos ancêtres vieux de plus de 3000ans, nous manquent ! A croire que nous sommes drogués… par la nature !!!

En attendant d’y aller, là-bas, pourtant pas si loin, nous pompons de tous nos poumons l'air amazonien qui plane autour de nous, inspiration, expiration, et nous nourrissons nos yeux de photos gravées dans l'ordinateur...

8 décembre 2004

Prof en guyane

Non, non, non ! Ne vous laissez pas méprendre ! La Guyane, c’est pas seulement les vacances, la Guyane, la chaleur, les cocotiers, le ti’ punch, les promenades. Hé ! Ne donnez pas dans le refrain, ouais les artistes et les profs, ça bosse pas souvent. Car je l’entends dire, on me le fait sentir. TA-RA-TA-TA ! Dixi ! Pour preuve, je vais parler de mon taf, quoi, de ma vie professionnelle, ok ?

Vous savez tous que le métier de professeur implique, outre les cours, leur préparation, les corrections, les conseils de professeur, et en particulier les réunions de parents, un des moments les plus amusants du métier, car on voit de nouvelles têtes, on entre en contact avec la vraie vie. Je rappelle que la plupart des professeurs souffre tous un peu de puérilisme, car depuis qu’ils sont enfants, ils n’ont jamais vraiment quitté l’école…Alors la réunion des parents !…C’est du concret.

Je passe rapidement : vous ne devez pas ignorer que la plupart des parents viennent pour entendre des compliments sur leur descendance, qu’ils ont tant contribué à façonner. Ceux-là encore, si la mère est passable, on peut supporter. Il y a ceux qui viennent ayant prémédité de donner une correction publique au fruit de leurs amours lointaines. Ceux-là sont plus durs au dialogue et à l’échange, et exigent un certain équilibre psychologique pour ne pas ressentir de l’émotion, ne mélangeons pas vie professionnelle et sentiment !

Jusqu’ici, pour ceux qui en ont déjà entendu parler ou l’ont vécu, rien de particulier. On se croirait dans le cadre de n’importe quel collège de Bretagne. Mais j’en viens à la spécificité guyanaise : les parents ne parlant pas le français, mais désirant rencontrer le professeur. Très bien ! Trop souvent la honte de ne pas parler la langue dissuade les parents non francophones de venir dans les murs du collège. Il a fallu parler anglais avec la dame du petit guyanien, qui ne cessait de répéter : «  He knows what’s going to happen, he knows what’s waiting for him » (= il sait ce qui va arriver, il sait ce qui l’attend ), pointant d’un doigt menaçant l’enfant, qui regarde sa mère, les yeux déjà gonflés par les larmes qui naissent du fait qu’il sache ce qui l’attend….

Mon brésilien n’est pas suffisant pour m’exprimer professionnellement avec la mère d’un autre, d’autant plus que le métissage indien prononcé de son visage me laisse supposer qu’un peu de patois arawak pouvait très bien se mêler dans les mots brésiliens employés par l’amazonienne, qui chuintaient extrêmement en parlant. Nao tem problemo ! Désolé, je n’ai pas de tilde ! Bruno est là, qui va faire de la traduction simultanée à sa maman, qui sourit quand il lui dit que je suis content de son travail, qu’il fait des efforts et qu’il a des bons résultats, qu’il participe, qu’il est sérieux et poli. Bruno sourit aussi un peu en traduisant, mais il est concentré sur ce qu’il dit. Il est méritant. Voilà, j’ai tout dit. Je tente un : « A proxima vez, vao fallar brasileiro ! ». Elle me répond : « Moi aussi, je parlerai prochaine fois ! » Au revoir.

Quant à mon sranantongo, j’avoue qu’il n’est pas à la hauteur. J’aurais pourtant voulu honorer ce papa venu d’Apatou, un village à 2 heures de pirogue de Saint-Laurent de Maroni. « Mo pa palé français, elle traduit ». Ok ! Je regarde les mains du père, petites, un peu boudinées, burinées, les ongles coupés à ras, d’une roseur qui contraste avec la peau noire sombre. Sa fille profite bien de son redoublement. Elle fait des progrès en lecture. Elle traduit d’une voix gutturale que je ne lui connais pas. Elle parle bas. Le père lui fait un commentaire, à voix basse, je glisse un mot à Mariette, elle explique à son père, tout va bien, merci d’être venu de si loin.

Quand vient la mama haïtienne, même si elle parle seulement le créole, on peut se comprendre sans problème !

Qui a dit qu’on ne bossait pas chez les profs en Guyane, hein ?! Et les spécificités, alors ?!

a3

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