surprises au rythme de la pluie...
Le week-end dernier était un classique : canoë sur le Kourou, deux jours en carbet, avec le chat et la guitare !! Très sympa ! Au programme, baignades dans le fleuve parfois sous des torrents de pluie (impressionnant, et que du bonheur !), un peu de gratte et de chant (mais ce n'est pas pour ça qu'il a plu !!), bouquinage, jeux, longs repos en hamac, pagayes dans des petits couloirs étroits cachés du fleuve, silencieux et sauvages (moment magique).
La saison des pluies retient un peu les gens chez eux... déjà que ce n'est pas vraiment la grande affluence en temps "normal" sur les fleuves, en cette période, on se retrouve très souvent seuls en tête à tête avec la jungle, à notre grand bonheur !! De quoi apprécier encore plus le calme.
Mais la saison des pluies n'apporte pas que ça. On raconte que l’indice de pluviométrie n’a jamais atteint un tel niveau depuis cinquante ans. Des lacs se forment un peu partout par-ci par-là, notamment sur des terrains vagues sauvages, à proximité de forêt. C’est ainsi que le dimanche 17 avril 2005, gris mais sans pluie , nous décidions avec notre petit canoë d’explorer une savane inondée, à quelques kilomètres de Kourou. Nous n’étions pas déçus de la ballade. Originale, dépaysante, et tout simplement belle !
Avec toute la pluie qui est tombée, nous avons pu faire sans la moindre difficulté la mise à l’eau sur les bas-côtés de la nationale. Seul petit souci, les atroces fourmis rouges qui déchiquètent nos pieds. De quoi laisser à Titine (allergique aux piqûres) des séquelles horriblement irritantes des semaines durant !! Nous n’oublions surtout pas notre coupe-coupe : les lieux sont connus pour la présence d’animaux sauvages, notamment les jaguars. Sic !
Nous laissons derrière nous la nationale, en pénétrant dans ce que seul auparavant notre regard essayait d’imaginer. En temps habituel, c’est une grande étendue d’herbes hautes sauvages où personne n’oserait s’aventurer sans fusil… Au lieu de l’infini vert, un énorme lac miroir gris foncé dont on ne distingue ni le commencement, ni la fin. Impossible de résister à l’appel du mystère. Le canoë trouble la surface plane en laissant derrière lui un sillon éphémère. Des piques d’herbes tranchent parfois la surface lisse de l’eau. Sans doute que le sol y est plus élevé. Par endroit, ce sont des feuillages d’arbres qui forment des îlots, sans terre. Difficile de se frayer un chemin même avec le coupe-coupe : c’est trop touffu ! Nous ne nous contentons donc que d’en faire les tours. L’idée de pagayer dans les hauteurs de ces arbres nous amuse ! Dedans, ça grouille de vie, c’est incontestable : des animaux n’ont pas pu échapper à la montée des eaux et tentent de survivre là. Nos regards s’aiguisent pour analyser la moindre vibration. Singe ? Serpent ? Félin ? Au détour d’un îlot, surprise… très surprenante ! Au loin, surplombe majestueusement l’énorme fusée maquette de l’entrée du centre spatial. Décor complètement surréel !! Le lac est extrêmement grand. D’ailleurs à force de ramer, on se demande s’il n’aboutirait pas à la mer !! Avec les îlots, nous devons faire attention à ne pas nous perdre. De temps à autre, nous nous amusons à tâter le sol en enfonçant nos rames. Rien. Ca paraît très profond. Dire que toute cette eau vient du ciel ! Par dessous le canoë, au delà des reflets de nos visages, nous apercevons parfois ces jolies fleurs sauvages oranges, les Heliconias, englouties dans les profondeurs sombres et translucides à la fois. Drôle d’effet.
Dans la série des choses délirantes, des troncs de palmiers d’une vingtaine de mètres surgissent par ci par là au milieu du lac. Et nous voilà en train de nous amuser à slalomer autour de ces géants sortis de nulle part. Il faut le faire ! La promenade est vraiment très belle. Mais le clou du spectacle, nous l’aurons à la fin, vers la « pagaye du retour ». En lisière de jungle, à un endroit où il n’y a pas d’eau, Titine repère un groupe d’environ cinq énormes capybaras (connus aussi sousle nom de cabiaïs). Ce sont les plus grands rongeurs au monde (environ 1m de long et peut atteindre jusqu’à 70kg), très appréciés des estomacs guyanais (quand on pense à tous ces chasseurs qui auraient été jaloux de nous…) (de tant plus que nous ne chassons pas !!). Nous en avons déjà vus dans le Pantanal, au Brésil, mais d’assez loin. Cette fois, nous réussissons à nous en approcher jusqu’à deux mètres. Impressionnantes les bêtes ! Surprises, elles poussent d’énormes cris de panique (comme des grouins aigus), et en une demi seconde, plongent dans le lac. Bien qu’il est évident qu’elles ont plus peur de nous que l’inverse, Titine n’est pas très rassurée. On ne sait jamais, ces monstres vont peut-être nous cogner, à la vitesse où ils ont disparu ?!! Au rythme de nos cœurs qui battent à la chamade, nous ramons vite vite vite vers la nationale et ses automobilistes fous qui nous regardent avec étonnement… le soleil se couche… le niveau de l’eau a bien baissé depuis le départ… il est temps de remettre le canoë sur notre petite 106… et de partir avec toutes ces images inoubliables en tête…