Les pieds nus du marcheur s'enfoncent dans le
Les pieds nus du marcheur s'enfoncent dans le sable mou et chaud. Poussé par les brûlures et les picotements, ses pas s'enchaînent rapidement les uns après les autres. Direction instinctive engendrée par la douleur. La mer. Plus il s'en approche, plus le sable s'endurcit et plus la température au pied est supportable. La marche peut alors commencer, agréablement.
Le vent, tiède, fait virevolter les vêtements, se fraye un chemin fibreux entre chaque cheveux, et caresse le visage doré par le soleil. L'air salé écarte les narines du marcheur ivre de l'atmosphère environnant, et s'engouffre dans les poumons. Inspiration profonde. Résonnance paisible du coeur. Une légère brise lèche en douceur le torse nu. Halte. Besoin d'apprécier encore mieux l'instant. Les yeux se perdent dans un immense tableau terne de couleur. Le ciel est grand. Infini l'horizon. L'homme n'est plus qu'une minuscule tache. Ses pieds foulent des lignes abstraites gondolentes, dessinées par les va-et-vient des marées... Posée au milieu de nulle part, une énorme carcasse de poisson dépouillée de sa chair évoque une sculpture primitive. Le promeneur, heureux, avance sans but.
En s'enfoncant dans le tableau, le paysage change d'aspect. Touche de nervosité. Sauvagerie. Une forêt s'est mêlée au décor. Danse de charognards bossus. Ca pue le poisson. Et ca vire au surréalisme. Entre mer grise et jungle, sur le sable désert, des arbres tombés, arrachés jusqu'aux racines, desséchés par le soleil, remodelés par la pluie, le vent et les marées. Encore des sculptures. Magnifique nature. Artiste des intempéries. Génie du hasard. La douce courbe d'une racine invite à la pause. Longue méditation sur le tableau. Réalité ? Rêve ?
Le promeneur sort de sa sieste. Tranquillement, il revient sur ses pas. La marée est déjà bien montée. La marche devient un peu plus difficile. Il faut escalader quelques troncs. Un requin marteau échoué sera l'occasion d'un nouvel étonnement.
Fin d'après midi. L'atmosphère s'adoucit. Les pieds ne picotent plus.