Portrait de la ville après le cyclone Ivan
Ca y est, le cyclone est parti. La ville a repris peu à peu vie depuis lundi, dans un décor cahotique, sous un ciel gris et encore beaucoup de pluie.
On se rend visite, on s'entaide, on flane, on commente, on se félicite de s'en être tiré, on remercie le ciel. L'ambiance d'après cyclone est toujours un peu spécial. Des coups de marteaux résonnent en échos dans toute la ville. Clous sur toles. Et ça bricole. Et ça rafistiole. Et ça compatit. Ca fouine aussi pas mal pour récupérer tout ce qui est récupérable, de ce qui s'est fait emporter par le vent, de ce qui est parti à la dérive, de ce qui vient de chez le voisin ou de plus loin. Il y en a même qui profite d'un trou dans le toit ou d'une porte disparue pour voler ce qu'il resterait encore dans une maison sinistrée. Ou qui profite tout simplement de l'absence des uns qui entraident les autres pour dépouiller toute maison momentanément laissée. C'est la vie post cyclonique. Les uns attendent l'électricité dans l'insupportable ronflement des groupes électrogènes des autres. Les autres font la queue à une pompe pour avoir un peu d'eau quand les uns font la queue dans les deux supermarchés de la ville pour s'achalander (avec noël, probablement, ils n'auraient jamais fait autant de chiffres d'affaires).
Bilan lourd pour la côte Est en général. Des sinistrés qu'on ne compte pas trop ! Des morts aussi peut-être... mais on préfère ne pas trop en parler !
A Tamatave, pas vraiment d'inondations. Pas plus que les jours de grosses pluies. C'était un cyclone surtout venteux. Quelques tôles déchirées. Des petites échopes écroulées. Beaucoup de rues obstruées. Des palissades défoncées. Quelques maisons éventrées par des arbres cassés. Un certain nombre de fils électriques pendouillant sur les trottoirs ou au milieu des routes. D'impressionnants potos pliés, ou carrément tombés. Des méga branches arrachées. Des arbres déracinés. Quelques maisons effondrées. Du classique, mais avec du recul, pour notre ville du moins, les dégats ne sont pas si énormes que ça ! Tamatave a vécu de bien pires cyclones, se partage l'avis commun des tamataviens !
Au lendemain de la catastrophe, la mer était toujours rugissante, couleur rouge, maron, grise, agacée. La plage noire. Les pirogues des pêcheurs, ensablées, à la dérive en bordure de route. Plus de goudron sur le boulevard de l'hopital bé. En vélo, il faut pédaler dur, comme sur une plage de sable mouillé, entre des potos électriques et des trottoirs imaginaires. Même une partie de l'avenue de l'indépendance est devenue une avenue de sable ! Il n'était pas difficile d'imaginer le tourbillon nuageux gris de sable soulevé par le vent au passage d'Ivan. Toujours dans la rue qui longe la mer, entre le neptune et le pont pour ceux qui connaissent, un trottoir bordé d'un joli jardin avait commencé à bien prendre forme, dans la dynamique de « toamasina mandroso, madio, mazava », tout fleuri, tout coloré, très bien entretenu et en plus respecté des promeneurs (j'avais projeté faire une note et quelques photos à ce sujet avant le cyclone, c'est un peu tard maintenant) ! Il n'en reste amèrement qu'une bande grisâtre car le sable a vraiment tout tout tout dévoré.
Mais le plus impressionnant après le passage du cyclone Ivan, ce sont les plages (au centre ville et sur plusieurs kilomètres de part et d'autres), qui ont baissé de niveau sur plusieurs mètres ! Ca a donné naissance à des falaisettes, à tel point que par endroit, on ne peut plus accéder à ce qu'il reste des plages (parfois, le sable et la mer se trouvent à trois mètres - voire plus - sous le niveau de la route) ! Du côté de l'hopital bé, sont apparues des sortes de tuyaux-pilonnes-avancées, auparavant ensevelis par le sable, de cyclone en cyclone depuis la fin des années 70 ! Du côté du lycée Rabemananjary, la vieille épave d'antan a aussi refait surface ! Le lycée, lui, est de plus en plus rongé, mais tient encore le coup ! Autrement, il ne reste vraiment plus grand grand chose de la route qui longe la mer du côté de Tahity kely - Ravinala - Darafify (on dit qu'il n' a même plus de plage maintenant là où il en restait un peu par endroit...) !