Léon
Quelque chose comme trois semaines avant le cyclone, Léon s'était installé chez nous. Léon est un caméléon. Il a squatté un cadre entreposé sur la terrasse arrière des chambres, au niveau de la fenêtre de la salle de bain... Tu te lèves le matin, tu vas aux toilettes, il est là... tu te douches trois fois dans la journée tellement que tu as chaud, il a peut-être changé de sens, mais il est chaque fois encore là... tu te laves les mains avant de manger, il est toujours là... l'oeil de travers, te regardant peut-être, ou peut-être pas... tu te brosses les dents le soir avant de se coucher, il a changé de teintes, il est encore là, il dort.
Tous les jours, c'était toujours un peu surprenant de le voir, et en même temps au fil du temps, il faisait parti du décor ! Léon ne paraissait pas très en forme. Enfin, on n'en savait trop rien, il faisait maigrichon mais on ne s'en préoccuppait pas... il était libre, se déplaçait (mais revenait toujours), on est entouré de vert, et ce ne sont pas les insectes qui manquent chez nous... bon et puis hein, c'est un caméléon, il fait sa vie, et nous nos affaires dans la salle de bain... Le jour du cyclone, Léon était toujours à son poste. Une fois tous les volets fermés, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un pincement au coeur... mais xav ne voulait plus ressortir par l'arrière de la maison... et puis pour le mettre où ?!! j'ai vraiment eu très très mauvaise conscience... Au lendemain du cyclone, la première chose que nous sommes allés voir en inspectant les alentours de la maison, c'était Léon... Et là, surprise, il était toujours « accroché » au cadre, dans un axe différent, mais bel et bien là ! Il avait l'air complètement traumatisé et paumé, le pauvre ! Plus tard dans la journée, il avait retrouvé sa place... et la vie reprit son cours... ses habituels va-et-viens... et nos train-trains dans la salle de bain... on s'était un peu attaché à lui... c'était notre Léon... les jours, les semaines passèrent... il était toujours là...
Meva voulait l'adopter sérieusement... s'occupper de lui... mais on ne connaissait rien finalement des caméléons... et puis de toute manière, il n'y avait rien de mieux pour Léon, que de le laisser libre, tel qu'il l'était, là... avec les filles, on l'observait de plus près... depuis l'épisode traumatisante du cyclone, il paraissait encore moins en forme qu'avant... c'est là que je me suis posée la question du comment l'aider éventuellement s'il était malade... j'avais passé toute une soirée à fouiner sur internet... j'étais hallucinée que ça existait des gens qui adoptaient des caméléons... qu'il y avait des forums de passionnés... et j'en appris des masses sur leur sensibilité émotionnelle, l'hyper fragilité de leur santé, qu'il y en a qui faisaient des « élevages » d'insectes (mouches, cafards – berk !) pour leur caméléon, que certaines espèces pouvaient aussi manger des fruits et des légumes, qu'il leur fallait surtout surtout de l'eau... il y avait aussi des explications sur comment le faire monter sur soi, etc etc... bref, ça m'a donné sérieusement envie (bah oui, me promener avec un caméléon sur les épaules...) !
Le lendemain, au réveil, alors que je m'apprêtais à en parler à Meva et Mirana, Léon n'était pas à son poste ! Je ne parvenais pas à le voir depuis la fenêtre de la salle de bain. Même pas en bottant ni en me penchant ou tortillant à gauche à droite de tous les côtés... rien... il semblait avoir disparu... j'ai appelé la maisonnée, et nous sommes tous sortis sur la terrasse arrière pour le chercher... c'est ainsi que nous l'avons tous retrouvé, gisant sur le sol... mort ! C'était il y a quelques jours, et cela devait faire un mois et demi qu'il vivait là, à côté de nous...