A part de ses plages et de la fusée, nous n'avons pas encore eu l'occasion de vous parler de notre chère kourou.
On pourrait tout à fait avoir l'image de la ville spatiale européenne, comme une ville moderne, et pourquoi pas avec des allures un peu futuristes... c'est clair que quand on parle des patrouilles d'hélico, ça fait classe !! On peut imaginer des grattes-ciel, quelques bâtiments en forme de soucoupe, des architectures très design... des infrastructures routières au top... des ingénieurs chemise/cravate/portable dans les cafés...
Seulement voilà. En recontextualisant la ville, on se doute bien que c’est plus compliqué que ça… La Guyane. Ce bout de France en Amérique du sud qui attire tant de peuples des pays pauvres autour. L’Amazonie. La forêt ou l'enfer vert pour certains aujourd'hui encore. Les anacondas, les jaguars, les caïmans. Les maladies tropicales. Le lourd passé du bagne. Les amérindiens. Les noirs marrons du fleuve. Les descendants d’esclaves. L’orpaillage. La clandestinité. etc… etc… Les clichés ne manquent pas. Il y a quelques facettes de vrai, avec des parts d’exagérés, mais aussi beaucoup de fausses idées. Comment dans tout ça situer Kourou ?
Une fusée passe de temps à autres dans nos cieux, c’est vrai. Des hélicos patrouillent beaucoup à ces moments là, c’est vrai aussi. Mais les immeubles ne s'élèvent pas à plus de quatre ou cinq étages (il n'y a donc pas de grattes-ciel). Beaucoup de routes sont pourries (on vous a déjà parlé de KOUtROU-ville). Dans certains quartiers de la ville, on ne peut pas s'empêcher de se demander si c'est vraiment la France ici. Un tas de piment frais se fait dessécher sur un trottoir, rue Mozart. Plus loin, ce sont des épis de maïs. Des canards trainent dans le coin. Et des enfants s'amusent à courir après... Plus loin encore, c'est un tas d'ordure en tout genre qui dore au soleil. La fourgonette bleue de la gendarmerie passe : comme beaucoup de gens ici, ils ne mettent pas leur ceinture ! Plusieurs dizaines de crabes sont suspendus sur le guidon d'un vélo. Il fait chaud. Les bêtes effectuent les derniers mouvements de leurs pinces. Sous un énorme flamboyant, sont installées à même le sol de grosses mamas, dont la couleur marron foncée de la peau jure avec les couleurs criardes du morceau de tissus qui leur sert de vêtement. Un coq traverse l'avenue Victor Hugo. Un scooter passe sans casque, fusil à l'épaule ; c'était rue Beaudelaire. Il croise des petites filles toute blanches, cheveux soyeux, jouant sur des vélos pimpants couleur rose, et portant bien sûr des casques sur la tête. Devant l'agence de la poste, la queue paraît déjà interminable une heure avant l'ouverture des bureaux. Quelque part, sous un soleil éclatant brille la peau toute noire d'un tout petit garçon entièrement nu, en train de jouer avec un balai. D'autres enfants, en slip, ont investi la rue Paul Gauguin pour jouer au foot pieds nus. Les voitures roulent au pas. Sur la plage, une vieille blanche rougie par le soleil exhibe ses seins nus tout plein de rides. Devant l'épicerie Wong un tas de gens sont debout et attendent le temps passer autour d'une bière. Un piéton marche avec des bottes et sa machette sur l'Avenue de France, en plein cagnard. Des collégiens en uniforme se mettent à trois sur un vtt direction le collège. Des psaumes en créoles, des cérémonies de vaudou, et des cantiques brésiliennes résonnent dans plusieurs maisons dans plusieurs quartiers à tout moment de la semaine et à toute heure de la journée. Dans le supermarché de la ville, un loulou avec des plumes colorées dans ses cheveux longs imite des cris d'oiseaux. En pleine rue Dali, deux dames aux allures chics et respectueuses se sont insultées et ont fini par se donner des coups de parapluie, de batons, de poings et de pieds pour finir avec un combat au sol sur le goudron... Au pas d'une porte, un tabouret, deux plats couverts, un petit carton "wassaï 2euros". Car, oui, nous utilisons bien l'euro comme monnaie, ici !
Des scènes de vie kourouciennes, il y en a plein à décrire... Mais en bref, ça reste difficile de donner une "définition" de la ville spatiale européenne... Depuis quelques années maintenant que nous sommes là, pour nous, c'est une ville tranquille, avec ses humeurs, ses rumeurs, ses contrastes... Quoi qu'on en dise, il fait bon y vivre. Et quoi qu'il en soit, ce n’est pas la ville des blancs dont on entend souvent parler.