Euh ! Encore une blague, il ne se passe jamais rien en Guyane, à part des arbres qui s’écroulent dans la forêt à cause des orpailleurs qui cherchent… Cette semaine, il fallait vraiment être de mauvaise foi pour dire qu’il ne se passait rien en Guyane, car on avait l’embarras du choix ! Il y la fête patronale de Kourou et ses trois soirées de concert, avec comme point d’orgue la venue de Doc Gynéco. Pas la peine d’en parler sur plus de trois lignes car c’était nul : Doc est venu avec un pôte, mais sans musicien ! Résultat : ils chantaient seulement sur la musique enregistrée, service minimum, quoi ! Et le public n’était pas avec eux : quand ils nous annoncent : « Tu es né ici dans la misère et les cris », on s’est regardé ! On a pensés, Doc, va voir le docteur !
Autre festival d’importance, les Transamazoniennes, à l’autre bout de la région à Saint-Laurent du Maroni, dans l’ancien camp de la transportation, le camp des bagnards ! Les brotha et les sista remontent le fleuve avec des provisions pour l’occasion, c’est surtout reggae avec Beenie Man comme guest star pour les spécialistes.
Et bien nous... Nous avons opté pour Cesaria Evora parce que ce n’était pas une blague ! 40 euros la place, il a fallu se faire violence, mais ce n’est pas sûre qu’elle revienne de sitôt en Guyane, alors… ! Nous pensions qu’elle n’allait pas avoir trop de succès ici. Fi ! En arrivant au palais omnisport de Matoury, qui fait office de gymnase et de salle de spectacle, c’était la cohue ! Une colonne humaine compacte commençait à 1km de l’entrée ! Euh ! Nous nous sommes dits, ça c’est pour ceux qui n’ont pas de billet, mais non ! Faire la queue, nous n’aimons pas ça. Alors je propose que nous laissions passer tout le monde avant d’entrer. Heritina la resquilleuse dit non, on se faufile ni vu ni connu avec nos petites tailles et nous nous retrouvons au quatrième rang, juste derrière le président de région, sans majuscule. Oui, places assises, pas possible de céder à l’envie de danser pendant le récital !
Le concert
Le panneau d’affichage du palais indique 21 heures, les musiciens entrent en scène et se lancent dans un chaleureux instrumental qui comble immédiatement l’attente des spectateurs. Il y a une guitare sèche, un violon, un saxo, une batterie et percus, un banjo et une basse. Le groupe s’est réparti sur l’assez grande scène. Puis la diva, vêtue d’une large robe verte, monte sur scène, se déplace lentement vers le centre et les projecteurs s’allument : une clameur s’élève dans la salle, et salue la présence de cette grande personnalité. Elle s’étonne de l’accueil triomphal et attend un peu pour commencer à chanter. Et là, la magie opère aussitôt !… Sa voie chaleureuse rend tout le public langoureux et abandonné. Même le président de région, sans majuscule, a l’air adouci, rendu à sa candeur d’enfant. Fin de la première chanson : le public lance un cri de soulagement, c’est bien elle, c’est Cesaria, quelle joie mélancolique !
La grand-mère capverdienne déroule ses mélodies, pleines d’une allégresse en mode mineur, de saudade, de chuintances d’une mama africaine ayant en bouche le portugais. Elle a vécu, elle a connu des revers, elle a explosé de joie et de douleur, elle le chante, et ça nous fait tressaillir la colonne vertébrale. Cesaria jette un « Que calor ! » entre deux sérénades, elle s’éponge le visage, elle grommelle parfois, mais un sourire n’est pas rare. Le public est subjugué, les musiciens se prennent au jeu et se lancent dans des virtuosités sensitives, spécialement le saxophone et le violon. Au bout d’une heure, la cantatrice nous annonce en portugais qu’elle va faire une pause, elle se dirige vers le fond de la scène, s’assied à la lumière d’un projecteur de clair de lune, allume une cigarette, boit un verre de, écoute ses musiciens entamer un instrumental déchaîné !
Nous avons réussi à la rappeler une fois, mais après trois nouvelles chansons, l’adieu était définitif. Mama Cesaria se dandine vers la sortie de la scène, les lumières se rallument, les musiciens viennent saluer, le charme est rompu, mais c’était un moment fort en émotion.
Retour en pleine lune
Sous l'oeil bienveillant de la lune, nous restons high pendant tout le trajet pour rentrer à Kourou, un peu moins d’une heure, puis atterrissons avec le contrôle de la gendarmerie à l’entrée de la cité spatiale qui filtre les entrées en cette période de fête patronale, pour qu’il n’y ait pas trop de braquages et d’agressions…Nous sommes en règle, car Xav exige la ceinture attachée, depuis ses 90€ de PV le jour de son anniversaire, où le zélé représentant de la loi lui avait lancé un « la loi, c’est la loi » mémorable, pendant que les scooters pétaradaient à fond sans casque, les épaves roulaient à leur barbe sans papier verre sur le pare brise, « et tout le monde est tenu de la respecter », concluait le représentant, « c’est pas de chance pour vous que ça soit aujourd’hui …». Passés le poste de contrôle, nous filons vers notre camionnette préférée, appelée « le grand chef », où les super madras sont une valeur sûre. Retour à la maison pour un dîner tranquille sur la terrasse, rideau.