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Carnet de vadrouilleurs
14 novembre 2004

Verte ivresse

Aux parkings, situés pourtant à quelques mètres des routes, nous sommes déjà plongés dans un autre monde, oubliant loin derrière les bruits des voitures à fond la caisse.

Un couloir végétal, d'abord assez large, nous invite à pénétrer dans la pénombre de la jungle. Au niveau d'un panneau indicateur souvent illisible, quand il y en a, on sait que la balade commence vraiment. Tous nos sens s'éveillent alors. A commencer par les narines qui s'élargissent, et nos cages thoraciques qui semblent avoir triplé de volume (de l'intérieur, je vous rassure...) ! Le couloir ne devient qu'un simple sillon de verdure. Une légère brise de fraîcheur resserre nos pores. C'est que la marche a à peine commencé. Le sol est camouflé d'un tapis de feuilles mortes, serpenté par une infinité d'entrelacs de racines, parfois énormes, dont on ne retrouve même plus l'arbre mère...

Au dessus de nos têtes, des géants percent la foufoune verte et élancent leurs ramures pour défier le ciel, dominer l'Amazonie et les milliards de vies qui y fourmillent.   Les rayons du soleil, qu'on sait pourtant bien éblouissants au delà, n'arrivent à percer que dans des trouées qui forment alors de surprenants tableaux abstraits de hachures, zébrures, et tâches, entre les jeux d'ombres et de lumière, les couleurs sobres, et les formes luxuriantes de la forêt. Nos yeux , depuis un moment habitués au sombre, ne peuvent que s'écarquiller devant un tel spectacle.

On s'enfonce dans la forêt, drue. Ce mur chlorophyllien qui paraît impénétrable nous avale dans son gouffre interminable, nous réduisant alors à un moins que rien. Nos pas sont rythmés par le monde environnant. La puissance et la vitesse de chacune de nos foulées doivent être précis. Ne pas trébucher sur une racine, écarter des torsades de lianes gênantes, enjamber des trous suspects, éviter la queue leu leu de colonies de fourmis rouges portant sur leur dos des bouts de feuilles...  Nos oreilles, tendues plus que jamais, nous arrêtent pour des remuements au dessus de nos têtes : il faut scruter... mais déjà on ne distingue plus que  les queues d'un petit groupe de singes... On profite des hasards des rencontres pour faire une pause : une odeur spéciale, douce et épicée, une bébête quelconque, inconnue ou étrange, une plante originale, et parfois de sacrées surprises !

Ca doit faire une heure qu'on marche, ou, deux, ou trois ? Nos fronts ruissellent, nos tee-shirts collent à nos peaux trempées. Notre corps entier est en symbiose avec la nature. Échanges invisibles  entre les profondeurs des veines des arbres et nos cœurs. On perd toute notion de temps. On croit que les oiseaux nous parlent. On répond à leurs cris. Et sourit au bonheur d'être là.

Mais voilà que le sentier s'élargit et s'illumine, nos yeux brusquement éblouis, nos oreilles surpris d'un vrombissement de moteur pourtant loin : la boucle est bouclée, la balade s'achève là !

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